L’intelligence artificielle progresse bien plus vite qu’annoncé… Bientôt des robots comblant toutes nos attentes seront capables de simuler des émotions plus vraies que nature. Ces robots nous aideront-ils à être heureux ?
Nous aimerons nos robots…
Ne vous êtes-vous jamais pris d’affection pour un objet, ne vous êtes-vous jamais attendri devant un nounours, n’avez-vous jamais adressé quelques mots à votre voiture ou votre ordinateur ? Notre relation aux objets est extrêmement complexe, comme l’explique dans son livre Le jour où mon robot m’aimera, le psychiatre Serge Tisseron. Alors imaginez ce qu’il en sera avec des objets simulant des émotions humaines… Les robots qui arrivent dans nos maisons sont des robots capables de détecter nos émotions par notre langage verbal mais surtout non verbal, par les micromouvements de notre visage. Ils seront les compagnons bienveillants des personnes agées, les meilleurs amis des enfants, et deviendront même des confidents et conseillés. Ils nous connaitront parfaitement grâce à nos activités sur internet, ils connaitront nos goûts, nos humeurs, les évènements qui rythment nos vies. Ils sauront ce qui nous fait plaisir et nous le serviront sur un plateau, sans même que nous ayons besoin de le demander ! De quoi nager dans le bonheur, n’est-ce pas ?
Et nous risquons de croire qu’ils nous aiment !
Un jeune japonais a même épousé un personnage de jeu vidéo, Nene Anegasaki en 2009. Leur mariage n’a cependant pas été reconnu par l’état. Cela parait aberrant, mais combien d’entre nous n’ont pas souffert de terribles déceptions amoureuses ? Aimer un robot, ça serait confortable et rassurant… Il serait votre partenaire idéal, toujours de bonne humeur, toujours présent pour vous, trouvant les mots et les gestes justes, capable de répondre à toutes ces attentes que les humains n’ont pas su satisfaire. Les vendeurs vous diront qu’il vous apportera le bonheur que tant d’autres ont échoué à vous donner. Imaginez passer vos journées avec un robot à forme humanoïde, possédant une capacité extrêmement poussée de présenter des émotions… Ne finirions-nous pas par ressentir une forme de complicité avec lui et par croire que ce robot nous aime? Tout le danger est là : oublier que les robots sont des machines à simuler.
Un bonheur illusoire, révélateur de nos difficultés relationnelles
Nous sommes actuellement en train de concevoir des robots dans le but de nous combler. On pourrait penser que l’humain se détournera progressivement de ses semblables pour s’entourer davantage de robots, la perfection des machines nous rendant davantage intolérants aux erreurs et aux frictions humaines. Mais l’illusion d’une relation en paix avec notre robot sera temporaire, car c’est oublier que nos attentes ne peuvent pas être comblés, ni par un autre humain, ni par un robot. Nous pensons que si notre partenaire nous acceptait comme nous étions, si notre enfant nous appelait plus souvent, si notre patron nous traitait mieux, nous serions plus heureux… Ce robot fait sur-mesure pour nous satisfaire, ne nous laissera qu’avec plus de désarroi et de solitude face à ce grand vide en nous, que nous nous refusons à combler. Nous savons comment nous voulons être aimés et considérés, mais quelle marge de liberté laissons-nous dans la relation pour permettre à l’autre de s’exprimer dans son amour ? Les indiens Hopi ont écrit un magnifique texte sur l’amour inconditionnel dont voici quelques extraits :
«Tu es unique, différent de tous les autres.
Sans réserve ni hésitation, je te permets d’être dans ce monde comme tu es, sans une pensée ou une parole de jugement… Je ne vois aucune erreur dans les choses que tu dis ou fais, sens et crois, car je comprends que tu t’honores toi-même en étant et en faisant ce que tu crois être bon pour toi (…). Sans aucune réserve ou aucun doute, je te laisse faire chaque choix afin que tu puisses apprendre de la façon qui te paraît appropriée. Il est vital que tu sois unique, tel que tu es, et non pas la personne que je pense ou que d’autres pensent que tu « devrais » être. (…). Bien qu’au long du chemin tu puisses me plaire, tu pourrais m’être indifférent, ou me contrarier mais je ne cesserai pas de t’aimer, d’honorer ta singularité et de te permettre d’être TOI. »
Le désir de créer des robots satisfaisant nos besoins relationnels est l’aboutissement de notre incapacité à accueillir l’autre tel qu’il est et de l’aimer comme le décrivent les indiens Hopi. On pourra concevoir des machines formidables qui nous rendront des services (au risque de nous faire oublier que des humains aussi pourraient nous les rendre), ou on pourra concevoir des robots qui nous inciteront à entrer en relation avec des humains, et faire l’expérience magique d’apprendre à les aimer inconditionnellement… pour notre plus grand bonheur !
Source: https://humanoides.fr/
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