L’indice de Bonheur National Brut (BNB), emblématique du « pays du bonheur» a été créé en 1972 par le roi Jigme Singye Wangchuck. Cet indice mesure le bonheur des habitants du Bhoutan sur quatre critères : le développement économique, la sauvegarde de la culture et de l’environnement, le bien-être psychologique des individus et la bonne gouvernance.
Un indice qui remet en question la croissance illimitée
Le BNB se pose en alternative à l’indicateur bien connu qu’est le Produit intérieur brut (PIB), utilisé par la majorité des pays afin de mesurer l’état de richesses de leurs citoyens. R. Kennedy l’affirmait déjà il y a cinquante ans: le PIB est une mesure non pertinente pour juger du niveau de vie. Le BNB se réfléchit en termes de seuils de suffisance pour bien vivre, la croissance illimitée n’est alors pas envisageable : le but est de se développer de manière vertueuse. Les progrès en provenance de l’étranger sont minutieusement étudiés par la « commission du bonheur » qui décide s’ils sont dans l’intérêt ou non du « bonheur national ». Le BNB a entrainé des décisions comme le refus d’entrer dans l’OMC, l’interdiction de vendre du tabac, l’amélioration de l’accès aux soins et à l’eau potable, de la qualité des routes ainsi qu’une éducation pour tous.
Derrière le masque du bonheur
Le nouveau premier ministre du Bhoutan, Tshering Tobgay, comme beaucoup de personnes, remet en cause le BNB : « Je suis sceptique face à l’utilisation abusive faite par certains et qui les a détournés des problèmes réels auxquels nous sommes confrontés ». Le BNB serait devenu un indicateur utopique déconnecté des problèmes sociétaux. Les autorités s’inquiètent de la hausse de la consommation de drogue et d’alcool, ainsi que l’apparition de crime qui n’existaient pas auparavant. Il y a également beaucoup de travailleurs immigrés et ceux-ci ne sont pas considérés comme des citoyens. Le BNB masque une autre réalité économique : selon les critères de l’ONU, 25% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Pour Georges Menahem, directeur de recherche au CNRS : « Le risque, c’est que lorsqu’on parle du bonheur, on ne parle pas des inégalités, de la dégradation des conditions de travail, de la discrimination». Dans les années 80, le BNB n’a pas empêché le scandale du programme « une nation, un peuple » qui a imposé la culture des bhoutanais d’origine tibétaine (langue, vêtements traditionnels) au détriment de ceux d’origine népalaise (entre 20 et 50% de la population). De plus, pour l’économiste Claudia Senik, le BNB ne peut pas remplacer le PIB sur le long terme. «La façon dont on mesure le bonheur évolue au fil du temps. Une échelle allant de zéro à dix va être interprétée par les gens de manière différente d’une génération à une autre car les circonstances changent.»
Le BNB, un indice qui incite avant tout à penser autrement
Le BNB estime que la transformation de la société repose sur la transformation personnelle. La bienveillance, la compassion, le respect mutuel deviennent des compétences qui s’apprennent et s’exercent, c’est alors la transformation du système éducatif qui entre en jeu. Evidemment le bonheur n’est pas un état qui peut être décrété par une nation, mais l’effort sincère du Bhoutan à réinventer l’économie et l’organisation sociale peut nous inspirer. Comme le dit l’économiste du bonheur Renaud Gaucher «Au-delà de mesurer, ce qui compte, c’est de construire des politiques publiques».
Sources :
www.liberation.fr / www.letemps.ch /www.la-croix.com / www.marianne.net
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